Par intervenant > Georger Fabrice

Politique linguistique réunionnaise : vers une nouvelle aire constructive depuis la signature d'un pacte linguistique en 2023 ?
Fabrice Georger  1@  
1 : Laboratoire de recherches sur les espaces créoles et francophones
Université de la Réunion, Université de la Réunion : UR7390

Depuis la déclaration de Cayenne de 2011, et même avant, plusieurs préconisations d'aménagement linguistique sont à la disposition des détenteurs du pouvoir politique dans les territoires ultramarins. Ne pas agir dans ce domaine relève donc d'un positionnement politique parfois assumé, parfois affiché comme une neutralité, qui pourtant ne peut exister surtout dans de telles situations hégémoniques (Blanchet, 2019). Une fois la volonté d'agir arrive à maturité, un second défi concerne l'adaptation des actions envisagées à la réalité sociolinguistique de chaque territoire. Et dans ce domaine force est de constater que les chercheurs du domaine sont encore trop peu sollicités.

A La Réunion, depuis les années 1970, le sentiment diglossique a nourri les réflexions concernant une meilleure reconnaissance du créole. Les premiers aménagements proposés par les forces vives militantes s'orientaient en faveur de la variété basilectale (voire hyper basilectale) dans un objectif de renversement de la diglossie. Cette logique a très peu été suivie par la majorité de la population et par les élus locaux. L'histoire récente des prises de décisions en politique linguistique met en avant une très grande prudence ou alors un consensus très mou sur les questions linguistiques. Depuis les lois de décentralisation de 1982 très peu d'élus locaux se sont clairement engagés sur la question d'un aménagement linguistique affirmé et volontariste prenant en compte la cohabitation complexe du français et du créole (Georger, 2023).

Les péripéties de la signature récente d'un pacte linguistique et l'annonce de la création d'un institut du créole réunionnais, peuvent enfin laisser espérer une maturité des décisions. Une nouvelle aire d'une politique linguistique affirmée serait-elle arrivée ? Cependant, l'étude des premiers documents inquiète certains observateurs. L'affirmation d'une politique linguistique volontariste ne semble pas être encore au rendez-vous. Mais surtout, les préconisations intégrant la complexité mise en avant par la sphère scientifique (Prudent, 1981 et 1993) ne semblent pour le moment pas investies.

Notre communication se propose de revenir très brièvement sur les faits de politique linguistique à La Réunion depuis la déclaration de Cayenne. Nous aborderons plus particulièrement l'actualité des années 2023 et 2024 concernant ces questions.

 

 

Bibliographie.

BLANCHET, Phillippe, 2007, "Quels « linguistes » parlent de quoi, à qui, quand, comment et pourquoi ? Pour un débat épistémologique sur l‘étude des phénomènes linguistiques" in Carnets d‘Atelier de Sociolinguistique n° 1.

BLANCHET, Philippe, 2019, « Réflexions sur l'expression, l'analyse et la prise en compte d'une « demande sociale » dans un contexte d'idéologies linguistique et éducative hégémoniques », in Lebon-Eyquem, Mylène, Paroles d'enfants, d'adolescents et d'adultes sur l'espace familial et scolaire dans l'océan Indien. Enjeux, enquêtes, actions, Presses Universitaires Indianocéaniques, Université de La Réunion, p 45-58

 

GEORGER, Fabrice, 2023, Créole et français à La Réunion ; réflexions sociolinguistiques, épistémologiques et politiques. PUI, université de La Réunion, 278 p.

PRUDENT, Lambert-Félix, 1981. « Diglossie et interlecte », Langages, n° 61, GRECO, ERA 754, CNRS, Université de Rouen Haute-Normandie, Larousse, p. 13-38.

PRUDENT, Lambert-Félix, 1993. Pratiques langagières martiniquaises : genèse et fonctionnement d'un système créole, thèse de doctorat d'État en sciences du langage, sous la direction de J.-B. Marcellesi, Université de Rouen Haute-Normandie.

 


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