Par intervenant > Eloy Jean-Michel

Les langues d'oïl : une modalité particulière de minoration ?
Jean-Michel Eloy  1@  
1 : Université de Picardie Jules Verne
Cercll-PraLing

Les langues d'oïl : une modalité particulière de minoration ?

 La conscience de parler une Langue est une valeur positive. Or en matière de réalités linguistiques, il existe une catégorie qui se définit essentiellement comme des "non-langues" : c'est le sens principal, ancien, du mot patois, sens différentiel et négatif. Ces réalités, qualifiés de "langues basses", ont été au centre des travaux sur les diglossies.

Il y eut un temps où toutes les variétés linguistiques de France étaient des non-langues, mais en deux siècles elles ont été, pour la plupart, reconnues comme des langues - même minorées. Depuis quelques décennies, la notion de langue est devenue une notion du droit, français comme européen, et à côté d'elle, en matière de langage, il n'y a rien que dialectes et patois, que l'on ne traite pas juridiquement ni politiquement. Bref, on est reconnu comme une langue, ou bien on n'est rien.

Cette reconnaissance est cependant plus récente pour les langues d'oïl, qui appartiennent au même sous-groupe gallo-roman, au sein duquel a été construit le français national.

 Le débat récent, en partie actuel encore, concernant ces langues, est donc d'être ou de ne pas être. Anciennement, qui parlait les variétés linguistiques d'oïl ? Bien évidemment, des gens "qui ne sont rien", pendant longtemps analphabètes ou peu instruits, et cette histoire sociale n'est pas si ancienne.

Or depuis un siècle s'est produite une évolution notable, bien qu'inégale, en termes de sociologie, de grammatisation, et de littérature - bien que la désignation catégorielle et collective spécifique, les "langues d'oïl", reste moins mobilisatrice que le nom de chacune d'elles dans sa région. Bien sûr, les hétérogénéités entre elles ne sont pas négligeables, en termes d'historicité, de modernité et de vitalité, qu'il s'agisse du corpus littéraire, de l'image savante, de conscience et de démographie linguistique, ou d'intensité du mouvement culturel en leur faveur.

On avancera un petit inventaire typologique des activités volontaristes qui les font exister publiquement - la spectacularisation est aujourd'hui un phénomène majeur dans ces langues.

 De là découlent quelques urgences, la première étant spécifique aux langues d'oïl.

Avant même de penser "revitalisation", l'urgence linguistique est de mettre à jour dans les consciences, dans les mentalités partagées, leur existence en tant que langues : les Conseils régionaux peuvent le faire dans leurs régions respectives.

L'urgence est aussi de mieux prendre en considération leurs activités culturelles : car après tout, quel que soit leur avenir, c'est aussi au présent que se déroulent des activités artistiques et un travail littéraire et métalinguistique considérables.

Enfin, la liaison doit être faite entre ces langues régionales et l'ouverture au multilinguisme : dans un contexte valorisant toute connaissance de langue en plus du français, les langues régionales trouveront leur place plus facilement qu'en se heurtant à la fermeture d'esprit monolingue.

Tout n'est peut-être pas joué.


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