Par intervenant > Sheils Joseph

Politiques linguistiques entre législations et institutions européennes, nationales et locales : le cas de l'Italie
Marisa Cavalli  1, 2@  , Daniel Coste  3, *@  , Joseph Sheils  4, *@  
1 : Ex Institut Régional de Recherche Educative pour le Val d'Aoste (IRRE-VDA)
2 : Centre Européen pour les langues vivantes du Conseil de l'Europe
3 : professeur honoraire, École Normale Supérieure de Lyon
ENS de Lyon
4 : ancien chef de la Division des Politiques linguistiques du Conseil de l'Europe
Conseil de l'Europe
* : Auteur correspondant

Notre communication se situe dans le cadre des droits de l'homme, de ses droits linguistiques en tant que personne, des droits des minorités linguistiques. Perspective d''équité sociale, avec ce que cela porte comme valeurs gages d'une citoyenneté démocratique (Conseil de l'Europe, 2016). Rappel d'autant plus fondamental à un moment où ces droits et valeurs sont en danger et où les minorités linguistiques sont le plus au risque d'assister à l'étiolement de leurs langues.

Nous entendons souligner, à partir du cas italien, la complexité (mais aussi la grande potentialité ; Agresti 2018) de tout contexte minoritaire et distinguer, plus généralement, des instruments normatifs internationaux et nationaux venant en appui des politiques linguistiques qui visent au maintien des langues régionales et minoritaires (Conseil de l'Europe 1992 et 1994).

Le cas de l'Italie et de ses diverses politiques linguistiques depuis l'après-guerre offrira un paysage sensiblement différent du panorama français et sans doute européen (Telmon, 2015 ; De Mauro 1987 ; Salvi, 1975). Divers instruments juridiques ont été mis en place pendant ce laps de temps qui montrent une évolution positive des mentalités au niveau politique. À partir de 1948, des statuts spéciaux d'autonomie sont conférés à trois régions frontalières aux prises avec des problématiques linguistiques. En 1999, une loi nationale (n° 482) reconnait 12 minorités linguistiques. Par la suite, en application de cette loi, de nombreuses lois régionales entérinent la mise en œuvre d'initiatives locales.

 Le dénombrement des langues minoritaires est sujet à controverse au niveau tant politique que scientifique. La loi de 1999 a suscité d'énormes débats sociétaux et le mécontentement généralisé des sociolinguistes et des dialectologues. Les instances internationales comme l'UNESCO ou l'Ethnologue décomptent pour l'Italie une quantité bien supérieure de langues minoritaires en danger. A quoi on ajoutera, plus largement, que la stigmatisation sociale (Blanchet, 2016) dont les langues régionales ou minoritaires font souvent l'objet peut être incorporée par leurs locuteurs, affaiblissant ainsi leur conscience qu'il s'agit d'une langue, qu'elle fait partie du patrimoine culturel et linguistique du pays et qu'elle est en danger de disparition. Pour ne pas parler du fait que le pouvoir préfère établir (en même temps que limiter) lui-même les minorités à défendre. 

Certains traités ou accords-cadres européens visent, directement ou indirectement, la protection, voire la promotion des langues minoritaires, notamment par la Charte européenne des langues régionales et minoritaires et la Convention-cadre pour la sauvegarde des minorités nationales du Conseil de l'Europe, la première se concentrant sur les langues (droits linguistiques) et la deuxième sur les personnes appartenant à des minorités nationales (droits personnels des locuteurs et plus généralement des citoyens). Nous montrerons similarités et différences tout en soulignant la complémentarité de ces deux traités politiques ainsi que certaines tensions entre états membres et Comités d'experts.

Le plus souvent c'est l'éducation, champ limité, aux possibilités assez réduites d'incidence directe sur la société, qui est principalement investie de la mission de sauvegarder ou de revitaliser la langue minoritaire (Costa 2013), alors que d'autres mesures complémentaires seraient nécessaires (Fishman 1991 et 2001).

 

Références

Agresti, G. (2018). Diversità linguistica e sviluppo sociale. Milano.

Blanchet, P. (2016). Discriminations : Combattre la glottophobie. Limoges.

Bourdieu, P. (1982). Ce que parler veut dire – L'économie des échanges linguistiques. Paris, Fayard.

Calvet, L.-J. (2002). Le marché aux langues - Les effets linguistique de la mondialisation, Paris, Plon.

Conseil de l'Europe (1992) Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Strasbourg. Conseil de l'Europe. (Mise en œuvre en 1998).

Conseil de l'Europe (1994). Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Strasbourg. Conseil de l'Europe. (Mise en œuvre en 1998).

Cooper, R.L. (1989). Language planning and social change. New York: Cambridge University Press.

De Mauro, T. (1987). L'Italia delle Italie. Roma.

Phillipson, R. (2013). Linguistic Imperialism Continued. Routledge.

Repubblica italiana (1999). Legge nazionale del 15 dicembre 1999 n° 482 - Norme in materia di tutela delle minoranze linguistiche storiche.

Fishman, J. (1997). Reversing language shift. Clevedon. Multilingual Matters (1st edition 1991).

Fishman, J. (éd.) (2001). Can threatened languages be saved ?, Clevedon. Multilingual Matters.

Salvi, S. (1975). Le lingue tagliate. Rizzoli.

Telmon, T. (2015). Le minoranze linguistiche, in M. Salvati e L. Sciolla (a cura di), L'Italia e le sue regioni. L'età repubblicana, vol. III Culture, Istituto dell'Enciclopedia Italiana Treccani, Roma, pp. 525-546.


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