Le dépistage néonatal de surdité, rendu systématique en France depuis 2012[1] a pour objectif de diminuer l'âge du diagnostic pour permettre une prise en charge précoce des nouveau-nés dépisté positifs. Cette « prise en charge » est définie au travers d'une réhabilitation de leur audition avec accord des parents[2]. Notre communication se propose d'étudier la place de cette entrée biomédicale dans la surdité, pour les parents entendants, et les conséquences sur la temporalité de l'information donnée par les centres médicaux-sociaux sur les modalités linguistiques familiales parmi lesquelles la Langue des Signes Française. Le dépistage, lorsqu'il est révélé positif, constitue en effet la toute première entrée des parents entendants dans une trajectoire familiale et langagière brutalement réorientée.
Le déploiement progressif en 2012 du dépistage néonatal de surdité s'était accompagné en amont d'un Avis du Comité Consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) qui indiquait :
La surdité ne saurait être appréhendée comme un handicap sensoriel parmi d'autres. Perçue comme handicap de la communication, elle constitue une figure emblématique de l'altérité qui défie la société dans sa capacité d'accueil, d'écoute et de compréhension de la différence.
Le CCNE préconisait également l'implication, au moment et au lieu du dépistage, des centres médicaux-sociaux[3] afin d'apporter une information la plus éclairée possible sur la diversité des modalités possibles dans les trajectoires langagières des familles.
Des entretiens menés en Bretagne dans le cadre de notre recherche doctorale, entre 2014 et 2018, auprès de parents entendants d'enfants sourds, révèlent la disparité des expériences perçues et vécues par ces derniers dans l'accompagnement par les centres médicaux-sociaux au moment du diagnostic. Cette disparité concerne la temporalité de prise en charge par les centres à la suite du diagnostic, mais également l'information apportée concernant les parcours langagiers familiaux et les modèles de scolarisation mis en place en France pour accompagner ces parcours.
Pour cette communication, de nouveaux entretiens sont en cours auprès de professionnels du médico-social en Seine-Maritime travaillant auprès des familles : enseignants spécialisés, orthophonistes, accompagnants des élèves en situation de handicap. Ces entretiens semi-directifs ont pour objectif d'actualiser notre recherche doctorale 6 ans après la parution de nos analyses, mais également de donner cette fois une part plus conséquente à la parole des professionnels qui travaillent auprès des familles et qui accompagnent les enfants sourds avant et pendant leur scolarisation.
Un autre objectif affiché de cette actualisation de recherche concerne la place, dans les discours et les représentations, de la langue des signes pour les familles et pour les professionnels. Nous tentons ici de dégager des lignes de compréhension sur l'impact de la place du dépistage dans les choix linguistiques des parents, mais également sur l'évolution de ce choix préalable : le moment de la scolarisation constitue ainsi une étape importante dans l'évolution des représentations pour les familles, qui peuvent s'ouvrir à une modalité signée dans l'éducation, alors même que les choix linguistiques familiaux y accordaient une place limitée voire inexistante jusqu'alors.
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000025794966
[2] https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-de-la-mere-et-de-l-enfant/surdite-permanente-neonatale/documents/rapport-synthese/depistage-universel-de-la-surdite-permanente-bilaterale-neonatale-evaluation-de-son-deploiement-apres-deux-annees-de-fonctionnement-en-france
[3] https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2021-02/avis103.pdf