Par intervenant > Robin Francoise

« L'école du dimanche » (gza' nyi ma'i slob grwa) : initiatives glottopolitiques et autogestion langagière au sein de la diaspora tibétaine en France
Francoise Robin  1@  
1 : INALCO
Institut National des Langues et Civilisations Orientales

La République populaire de Chine (RPC), fondée en 1949, a annexé définitivement l'ensemble du Tibet en 1959, poussant son dirigeant politique et spirituel, le 14e dalaï-lama (né en 1935), à fuir en exil en Inde. Un gouvernement tibétain en exil y a été créé dès 1960 pour administrer environ les cent mille Tibétains qui l'ont suivi, répartis dans plus de soixante-dix camps de réfugiés en Asie du Sud (McConnell 2016). Alors qu'au Tibet même, l'éducation formelle avait longtemps été assurée principalement par les monastères (avec une exception pour la première moitié du 20e siècle au Tibet central, voir Travers 2016), les bouleversements sociaux liés à l'exil menèrent à la mise sur pied d'un réseau d'écoles tibétaines, principalement en Inde mais également au Népal (Choedup 2015). Administrés en majorité par le gouvernement tibétain en exil, ces établissements scolaires assurèrent et assurent encore une transmission homogène, et cela malgré le contexte diasporique, de la langue, de l'écriture, de l'histoire, de la littérature du Tibet et de son bouddhisme appelé « vajrayana » (ibid.). Ils opèrent du niveau primaire au secondaire. Une université tibétaine a même été fondée à Bangalore (Inde) en 2017, dont les premiers docteurs ont été diplômés fin 2023. Mais ces efforts ont été contrariés depuis la fin des années 2000 par un phénomène massif de « on-migration » vers l'Europe et l'Amérique du Nord (Frilund 2019). Sur ces nouvelles terres d'accueil, et leur écosystème linguistique propre, la langue tibétaine s'est retrouvée à nouveau sans présence ni visibilité – hormis l'espace domestique des familles réfugiées. S'est posée alors une nouvelle urgence linguistique pour la langue tibétaine, exacerbée par les rapports alarmants en provenance de la Chine et qui font état d'une détérioration très rapide de l'enseignement du tibétain au Tibet même (HRW 2020, TCHRD 2022, Buffetrille et Tournadre 2022). C'est dans ce contexte que des communautés locales de réfugiés se sont engagées dans l'« autogestion langagière » (Akin 2022) pour relever le défi du maintien et de la transmission du tibétain au sein des communautés diasporiques d'Europe et d'Amérique du Nord. Elles ont élaboré des stratégies et des « glottopolitiques engagées » (Lebreton, Leconte et Pradeau, 2022). Des cours hebdomadaires de langue et écriture tibétaines, intégrant parfois des sessions de chants et danses, rassemblent parents et enfants dans une sociabilité culturelle et linguistique tibétaine retrouvée l'espace d'une matinée. La présente communication portera sur l'école du dimanche du 11e arrondissement de Paris, la plus grande et la plus ancienne des quatre écoles tibétaines communautaires de la région parisienne (les autres sont situées à Saint-Gratien, Cergy et Trappes). Elle sera basée sur l'observation de classes et des entretiens semi-directifs avec les enseignants, les élèves (de 5 à 16 ans) et leurs parents, et complétée par l'examen des manuels et méthodes d'enseignement. Elle dressera l'histoire de cette école, mettra en évidence les enjeux, défis, négociations et contestations à l'œuvre dans cette autogestion langagière en contexte diasporique.

 

Alih, Akin. 2022. « Glottopolitique et autogestion langagière en situation de minoration linguistique : le cas des locuteurs du berbère et du kurde », Glottopol 36 (URL : http://journals.openedition.org/glottopol/724 ; DOI : https://doi.org/10.4000/glottopol.724, consulté le 28 mars 2024)

Buffetrille, Katia, et Tournadre, Nicolas. 2022. « La nouvelle politique linguistique au Tibet et ses conséquences », GIS-Asies (https://www.gis-reseau-asie.org/article/la-nouvelle-politique-linguistique-au-tibet-et-ses-consequences

Choedup, Namgyal. 2015. “From Tibetan Refugees to Transmigrants: Negotiating Cultural Continuity and Economic Mobility Through Migration” (PhD dissertation), Washington University in St. Louis. Online: https://openscholarship.wustl.edu/art_sci_etds/643.

Emilie Lebreton, Fabienne Leconte et Coraline Pradeau. 2022. « Introduction », Glottopol 36 (consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/glottopol/719 ;DOI :https://doi.org/10.4000/glottopol.719)

Frilund, Rebecca. 2019. “(Transit) Migration via Nepal and India: Tibetans En Route to the West.” Migration Studies 7(1): 21–38. DOI: https://doi.org/10.1093/migration/mnx064.

Human Rights Watch. 2020. China's “Bilingual Education” Policy in Tibet. Tibetan-Medium Schooling Under Threat. https://www.hrw.org/report/2020/03/05/chinas-bilingual-education-policy-tibet/tibetan-medium-schooling-under-threat

McConnell, Fiona. 2016. Rehearsing the state: the political practices of the Tibetan government-in-exile. Chichester, Malden: John Wiley & Sons.

TCHRD. 2022. Tibetan Language and Education Rights Under Xi Jinping. https://tchrd.org/wp-content/uploads/2022/05/Tibetan-Language-and-Education-Rights-Under-Xi-Jinping_TCHRD-Thematic-Report.pdf

Travers, Alice. 2016. “Between Private and Public Initiatives? Private Schools in pre-1951 Tibet”. HIMALAYA 35(2). Available at: https://digitalcommons.macalester.edu/himalaya/vol35/iss2/30https://digitalcommons.macalester.edu/himalaya/vol35/iss2/30



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