Par intervenant > Larvol Gwenole

Une didactique des langues en contexte de revernacularisation ?
Gwenole Larvol  1@  
1 : Centre de Recherche sur lÉducation, les apprentissages et la didactique
Université de Bretagne Occidentale [UBO], Université de Bretagne Occidentale (UBO), Université de Bretagne Occidentale (UBO) : EA3875

L'avenir des langues en situation minoritaire est intimement lié aux politiques linguistiques qui peuvent être mises en œuvre pour les revitaliser et donc aux objectifs que l'on peut donner à ces politiques. Parmi la diversité de ces objectifs, nous nous intéresserons particulièrement à celui de la revernacularisation, qui aspire à redonner à une langue, à la fois, une fonction communicative et une fonction symbolique inhérente à une diversité d'usages sociaux, notamment lorsque la transmission familiale de cette langue a pu être interrompue subitement, comme c'est le cas de nombreuses langues dans le contexte de la France hexagonale.

L'école joue un rôle central dans les politiques de revitalisation linguistique et nous pensons que cet objectif de revernacularisation d'une langue en situation minoritaire a une incidence forte sur son enseignement. Les contextes sociolinguistiques des différentes langues dites régionales dans le contexte hexagonal sont bien-sûr différents et nous nous inscrivons pleinement dans une approche sociodidactique qui donne toute son importance au contexte dans les apprentissages. Nous pensons cependant qu'il existe suffisamment de traits communs aux situations de langues comme le breton, l'occitan, le corse, le catalan, l'alsacien ou le basque pour que leurs didactiques respectives puissent faire champ, à travers une didactique des langues et des cultures en contexte de revernacularisation. Après avoir discuté de l'opportunité de constituer un tel champ, nous explorerons ses caractéristiques potentielles.

L'objectif assigné à l'enseignement de/en langue en situation minoritaire par les différents acteurs de la revitalisation linguistique (institutions, militants, etc.) est de former des locuteurs de type « natif », quand bien même il n'est pas possible de s'appuyer sur une socialisation linguistique qui accompagne généralement l'apprentissage de la langue première. Ce mandat a, tout d'abord, des incidences en termes d'objectifs d'apprentissage : il pose comme seul objectif recevable un niveau de maîtrise élevé qui, idéalement, prend en compte différentes variétés de langue (dialectales, niveaux de langue, etc). Cependant, ces exigences se heurtent à l'influence de la L1 des apprenants sur de nombreux aspects de la L2, comme la syntaxe ou l'accentuation, ce qui peut avoir, à son tour, un impact important sur les sentiments de légitimité et de sécurité/insécurité linguistique des néolocuteurs, dans les trois dimensions, formelles, identitaires et statutaires proposées par Calvet (1999). D'autant plus que le concept de double standard (Cummins & Swain, 2014) nous montre que des néolocuteurs d'une langue minoritaire, venant de cette communauté et ne parlant pas une variété de langue de type « natif », vont faire l'objet d'une valuation négative dont ils n'auraient pas fait l'objet dans le cas d'un apprentissage d'une langue étrangère.

Plus généralement, la question des représentations linguistiques aura une place importante, concernant l'apprentissage de langues qui ont été largement dévalorisées et qui ne correspondent pas aux logiques utilitaristes généralement valorisées. D'autant plus, si l'on considère que l'objectif des politiques de revernacularisation n'est pas de former des locuteurs, mais bien des locuteurs actifs, futurs acteurs potentiels de la revernacularisation de la langue en situation minoritaire. Concernant cet aspect, nous avons proposé différents leviers didactiques permettant de favoriser l'appropriation sociolinguistique de la langue dans le cadre de son apprentissage (Larvol, 2022).

Enfin, la création du champ de la didactique des langues en contexte de revernacularisation permettra de mener une réflexion sur les relations de l'école (ou des autres instances d'apprentissage de la langue en contexte de revernacularisation) avec le reste de la société, particulièrement concernant les politiques linguistiques familiales, étant entendu que le réamorçage de la transmission familiale de la langue constitue l'objectif principal d'une politique linguistique de revernacularisation.

Calvet, L.-J. (1999). Pour une écologie des langues du monde. Plon.

Cummins, J., & Swain, M. (2014). Bilingualism in Education : Aspects of theory, research and practice. Routledge.

Larvol, G. (2022). « Sinon ça restera la langue de l'école... » - Favoriser l'appropriation sociolinguistique du breton dans les filières bilingues de l'école élémentaire [Thèse de didactique des langues]. Université Rennes 2 ; Université de Genève.


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