Par intervenant > Souprayen Cavery Logambal

L'enseignement bilingue créole-français à l'école maternelle : quels impacts sur le développement du langage des jeunes élèves réunionnais
Logambal Souprayen Cavery  1@  
1 : ICARE EA 7389

L'enseignement bilingue créole-français à l'école maternelle : quels impacts sur le développement du langage des jeunes élèves réunionnais

En 1946, lorsque La Réunion devient un département français d'Outre-mer, le créole qui est la langue parlée par la majorité des locuteurs réunionnais, commence à perdre son rôle de médiateur à travers la population réunionnaise. C'est le français qui est la langue choisie par les institutions à cause de son statut de langue officielle. Sur le plan sociolinguistique, la départementalisation est marquée par une volonté de « francisation massive » des locuteurs réunionnais sur le modèle du français standard. La méthode a été de minorer le créole et d'interdire son utilisation à l'École afin de favoriser l'apprentissage du français (Prudent 1981). Ce qui a conduit les familles réunionnaises à se représenter les langues de manière diglossique, en posant des règles d'utilisation des langues dans des sphères spécifiques (Carayol et Chaudenson 1978) : le créole pour les situations privées ou informelles et le français pour les situations formelles (école, vie politique, administrations, médias, institutions). Les méthodes d'enseignement de la langue française utilisées en France hexagonale pour des élèves francophones natifs, ont été adoptées à La Réunion pour enseigner le français aux élèves réunionnais qui étaient majoritairement créolophones de langue de première socialisation (Fioux 2005). Cette non prise en compte du milieu créolophone pour l'enseignement du français a engendré des difficultés persistantes relatives à la maîtrise du français (Souprayen-Cavery 2020) et un mutisme considérable des apprenants en situations d'insécurité langagière.

 

Depuis les années 1970, la grande majorité des travaux de recherche (Prudent, Tupin & Wharton, 2005) insistent sur la nécessité de faire une place à la langue et à la culture créoles dans les démarches didactiques de l'École réunionnaise pour que les élèves obtiennent de meilleurs résultats en langue française et pour un meilleur bien-être.

 

En 2007, l'Académie de La Réunion met en place quatre dispositifs pour la langue vivante régionale (désormais LVR) à destination des enseignants du premier degré :

- Enseignement bilingue LVR-français,

- Enseignement de la LVR,

- Enseignement du français en milieu créolophone (EFMC),

- Sensibilisation et valorisation de la langue et de la culture régionales.

 

Dans la mesure où le créole est désormais intégré aux pratiques d'enseignement du français, il serait intéressant d'observer et d'analyser les processus d'apprentissage du français et du créole avec une attention particulière. En effet, quels sont les impacts de l'utilisation de ces dispositifs académiques pour la LVR sur les acteurs de la relation didactique et sur l'apprentissage des langues ?

 

Notre contribution propose donc de répondre à ces questions, à partir du projet de recherche BILMAT (Bilinguisme à l'école Maternelle) mené depuis 2021(2021-2022 : petite section, 2022-2023 : moyenne section, 2023-2024 : grande section) sous la forme d'une étude longitudinale du développement du langage en deux langues (créole et français) dans deux classes (une classe bilingue et une classe traditionnelle) de deux écoles maternelles différentes (l'école Adèle Ferrand et l'école Blanche Pierson) situées à proximité l'une de l'autre dans l'ouest de La Réunion. Après une période d'observation de deux mois (en 2021), nous avons choisi de suivre cinq binômes (un binôme étant constitué d'un élève en classe bilingue et d'un élève en classe traditionnelle) de divers profils langagiers (deux créolophones de langue de première socialisation, un francophone de langue de première socialisation et deux élèves qui mélangent les deux langues). Depuis le début de cette recherche, nous sommes présente une fois par semaine dans les classes afin d'observer, de filmer principalement des séances de langage et d'évaluer à différentes périodes les acquis langagiers des élèves. Dans la troisième et dernière année de cette étude, nous sommes en mesure d'évaluer les impacts de l'enseignement bilingue sur les processus d'apprentissage du français et du créole à l'école maternelle. A l'aide d'exemples concrets recueillis dans ces classes, nous pourrons poser que l'enseignement bilingue permet de réduire l'insécurité langagière chez les apprenants pour le développement du langage en deux langues.

 

 

Références bibliographiques

 

CARAYOL, M. & CHAUDENSON, R. (1978). Diglossie et continuum linguistique à la Réunion. Dans N. Gueunier & autres, Les Français devant la norme (pp. 175-190). Champion.

 

FIOUX P. (2005). Le développement du langage en deux langues, Du regard sociolinguistique à quelques propositions didactiques (cas d'exemple, jeunes enfants réunionnais) In L. F. PRUDENT, F. TUPIN et S. WHARTON (éds), Du plurilinguisme à l'école. Vers une gestion coordonnée des langues en contextes éducatifs sensibles (pp. 437-457). Berne : Peter Lang.

 

PRUDENT, L.-F. (1981). Diglossie et interlecte. Dans Langages n°61 (pp. 13-38).

 

 

PRUDENT L.- F., TUPIN F. & WHARTON, S. (édit.), (2005), Du plurilinguisme à l'école. Vers une gestion coordonnée des langues en contextes éducatifs sensibles, Berne, Peter Lang.

 

 

SOUPRAYEN-CAVERY L. (2020). Enseignement-apprentissage du français en milieu créolophone : le cas de La Réunion, Les pratiques langagières « ordinaires » des élèves, Le Français aujourd'hui (N°208), Armand colin, 63-73.

 

 


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