Au Bénin, pays d'environ 13 millions d'habitants, à très fort multilinguisme sociétal, le français est langue officielle et langue de scolarisation depuis l'indépendance.
Sans statut précis, les « langues nationales », comme les nomment les différents gouvernements qui se sont succédé mais aussi l'ensemble des acteurs de la société béninois, reçoivent des décomptes (entre une vingtaine et plus de 70) et des désignations (« langues », « parlers », « variétés »...) variables, avec des enjeux politiques forts que l'école cristallise. Le français est, aujourd'hui comme hier, l'objet de discours postcoloniaux largement circulants dans l'ensemble de la société béninoise où il est largement remis en cause comme langue de scolarisation, au moins dans l'éducation de base. S'il est largement admis parmi les didacticiens et les sociolinguistes du développement que l'usage d'une langue qui n'est pas parlée en famille, comme c'est le cas du français au Bénin (Amadou Sanni, 2017), compromet les apprentissages de la plupart des enfants, l'alphabétisation, voire le développement des populations (Tourneux, 2011 ; Zouogbo, 2020), le principe plus ou moins régulièrement affirmé par différentes instances de l'éducation d'un enseignement de base en « langues nationales » (gouvernements, linguistes...) achoppe sur la « gestion du plurilinguisme » (Boyer, 2010) et l'absence de consensus concernant les « langues » pouvant tenir le rôle de langues de scolarisation (Djihouessi, da Cruz, 2014 ; Leconte, à paraître). Toutes les tentatives en ce sens se sont soldées par un échec (Adjeran, 2020), le statut de « langue » étant décisif pour accéder à ce statut.
Cette situation post-coloniale qui perdure peut être qualifiée de diglossie enchâssée (Calvet, 1987) à géométrie variable (xxx, à paraître), du fait de situations de plus en plus complexes localement en raison de l'urbanisation qui conduit à des déplacements de populations - et de langues. Paradoxalement, la langue française, objet de toute les focalisations et d'un fort consensus contre elle, semble à travers sa contestation même un facteur de cohésion sociale, tandis que les débats sur les langues nationales – également minorisées par rapport au français, mais différemment minorisées les unes par rapport aux autres, selon les configurations sociolangagières – sont escamotés et les débats s'enferrent dans un paradigme postcolonial figé.
En recourant au concept de diglossie enchâssée complexe à géométrie variable, langue(s) contre langue(s) (français / langues nationales ; langues nationale(s) / langue(s) nationale(s)), nous nous intéressons au niveau diglossique où les langues nationales sont mises en concurrence plus ou moins implicitement. Quelles langues nationales sont répertoriées à différents niveaux glottopolitiques - gouvernement, sociolinguistes, citoyens - et, surtout, comment sont-elles valorisées, selon quels critères ? Nous mobilisons une analyse discursive de ces entreprises de typologisation, en nous appuyant à la fois sur des inventaires politiques relatifs aux langues nationales, sur des typologies élaborées par des sociolinguistes ou par de simples citoyens et abordons leur réception, à travers une recherche action conduite avec et auprès d'acteurs de l'éducation béninois (xxx, 2022).
Références bibliographiques (certaines références sont supprimées pour anonymisation)
ADJERAN, M. (2020). « Politique linguistique au Bénin pour une contribution au développement national ». Repères-Dorif, n°21, DoRIF Università : Roma, settembre 2020. URL : https://www.dorif.it/reperes/category/21-langues-linguistique-et-developpement-en-milieu-francophone-des-terrains-africains/
AMADOU SANNI, M. (2017). « Langues parlées au sein du ménage et assimilation linguistique au Bénin ». Cahiers québécois de démographie, 46 (2) : 219-239.
BOYER, H. (2010). « Les politiques linguistiques ». Mots. Les langages du politique, n°94 : 67-74.
CALVET, L.-J. (1987). La guerre des langues et les politiques linguistiques. Paris, Payot.
DJIHOUESSI, B. C., DA CRUZ, M. (2014). « Choix des langues de scolarisation en contexte multiculturel : cas de l'Afrique francophone », Revue du Cames 1 (2) : 1-13.
LECONTE, F. (à paraître). « Analyser les dynamiques linguistiques au Bénin. Retour sur une recherche collaborative ».
TOURNEUX, H. (2011). La transmission des savoirs en Afrique. Paris : Karthala.
ZOUOGBO, J.-P. (2020). « La langue française, un obstacle au développement des pays d'Afrique subsaharienne francophone ». Repères DoRiF, n°21 – Langues, linguistique et développement en milieu francophone. Des terrains africains. Roma : DoRiF Università. URL : https://www.dorif.it/reperes/jean-philippe-zouogbo-la-langue-francaise-un-obstacle-au-developpement-des-pays-dafrique-subsaharienne-francophone/