Le welche, variété d'oïl relevant du lorrain roman enclavée en territoire germanophone alsacien, se caractérise par une vulnérabilité certaine, qui le condamne a priori à disparaître à plus ou moins court terme (Michel, 2015). Cependant, il bénéficie aujourd'hui d'un certain regain d'intérêt et d'activisme socioculturel au sein de la société civile locale, dont nous proposons de rendre compte dans cette communication.
Sur la base d'une enquête de terrain au Pays welche réalisée en 2019, axée sur les stratégies de préservation de la diversité linguistique et culturelle (cf. Alén Garabato & Djordjevic Léonard, 2022 ; Djordjevic Léonard, 2022), nous proposons ici une réflexion sur la langue, régionale et dans ce cas précis très minoritaire, comme qualité – terme qui mettrons en relation dialectique avec la langue sans qualité (Canut, 2008). Il ne s'agit ni des qualités d'essentialisation des origines, ni de purisme, ni de grégarisme ni d'identitarisme, mais de manifestation de la culture, comme composante de la vie (Henry, 1987). En tant que sociolinguistes, nous montreront comment l'action sur et pour la langue minoritaire ici participe d'un patient travail favorisant la qualité de la vie, selon la logique de la linguistique du développement social (Agresti, 2018) ; en tant que linguistes, nous mettrons en valeur la qualité de la langue du point de vue de sa description. Ces deux facettes du travail « de par en bas » observées sur le terrain (faire connaître la langue, systématiser les connaissances, écrire) vont dans le sens d'un partage, d'un pluralisme et d'un « vivre ensemble », favorisé ici par la situation d'enclave de langue d'oïl au cœur de l'Alsace.
Notre communication s'inscrira par conséquent en ligne directe dans le paradigme de la linguistique du développement social (Agresti, 2018) déjà mentionné, ainsi que dans l'écologie (socio)linguistique (Léonard, 2017). Ce double modèle nous servira de prisme pour observer les actions entreprises par les activistes locaux mettant la langue au centre de leur action en tant que facteur de cohésion sociétale et en tant que vecteur de développement collectif. Sur le plan méthodologique, nous analyserons les données collectées sur le terrain – ressources documentaires, entretiens semi-dirigés avec les activistes du welche, selon la méthode « Les langues et vous » ancrée dans les récits de vie militante (Léonard et Jagueneau, 2013), visites guidées de sites culturels liées à cette action « de par en bas », cours de « patois », etc. – afin de montrer, du point de vue sociolinguistique autant que linguistique, la qualité du travail produit pour l'élaboration du corpus de la langue et dans les tentatives de valorisation de son statut. Nous chercherons à comprendre dans quelle mesure ce travail tout en qualité sur la langue, la mémoire, le patrimoine et la vie par les aménageurs welches « de par en bas » implique des éléments propres à cette situation d'enclave au sein d'un complexe multilingue alloglotte (contact avec l'alsacien et du lorrain), ou s'il émerge indépendamment de cette immersion dans des modèles pluralistes – sachant que le contexte régional et national reste résolument assimilationniste.