La nomination des langues en situation de minorisation linguistique
Salih Akin  1@  
1 : Dynamique du Langage in Situe (DYLIS)
Université de Rouen Normandie

Le statut accordé à une langue est souvent considéré comme l'un des piliers des politiques linguistiques. Le statut peut prendre différentes formes de reconnaissance, allant de celui constitutionnel, officiel, co-officiel, à celui de régional, national, international, etc. Si son élaboration fait intervenir des décisions et des instances officielles, comme les commissions et institutions gouvernementales, il reflète aussi des choix qui concernent la sélection d'une variété, d'un dialecte, d'une norme. Ces choix portent également sur le nom de la langue elle-même, car « [...] le fait de nommer la langue constitue une intervention sur le milieu : le nom donné aux langues n'est jamais neutre » (Calvet 1999). Or, comme toute nomination, nommer une langue est un acte de langage qui convoque des points de vue et des positions sociopolitiques et sociolinguistiques des locuteurs et des instances énonciatives, s'inscrit dans une interdiscursivité avec d'autres discours et points de vue (Siblot 1999). Nommer une langue n'est pas seulement la catégoriser en tant que système linguistique, mais c'est aussi la porter à l'existence et la poser comme une institution sociale (Balibar 1985). C'est lui assigner toute une série de connotations positives ou négatives, qui peuvent relever ou rabaisser l'image et le prestige de la langue. Ces enjeux de nomination des langues prennent une dimension tout particulière dans les situations de minoration linguistique qui voient diverger les points des vue des locuteurs, des militants et des instances officielles.

Ce sont ces points de vue et la manière dont ils se répercutent dans le nom des langues que nous proposons d'examiner dans cette communication à partir d'un certain nombre de contextes de minoration linguistique. Les analyses seront menées à partir d'un double point de vue : d'une part, celui l'analyse du discours qui envisage les noms des langues dans leur rapport à leurs conditions de productions et s'attache à décrire leur signification, non pas comme un sens figé et immuable, mais en tant que résultat d'un acte de communication impliquant différents paramètres tels que le profil sociologique des locuteurs engagés dans la communication, le lieu et le moment de la communication, ainsi que ses finalités pragmatiques. D'autre part, du point de vue sociolinguistique, dans la mesure où le nom des langues peut non seulement contribuer à la légitimation de leur statut, mais aussi à la structuration de l'identité de leurs locuteurs.

 

Balibar Renée, 1985, L'institution du français. Essai sur le colinguisme des caroligiens à la Republique, Paris, PUF, 421 p.

Calvet Louis-Jean, 1999, La guerre des langues et les politiques linguistiques, Hachette, 294 p.

Siblot Paul, 1999, « Appeler les choses par leur nom. Problématique du nom, de la nomination et des renominations. in Noms et re-noms. La dénomination des personnes, des populations, des langues et des territoires, Collection Dyalang, publications de l'Université de Rouen-CNRS, p. 11-31.


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