Sauvegarder les langues régionales ou minoritaires : le rôle des musées in et ex situ
Marie Domengès  1@  
1 : Arts / Langages : Transitions et Relations
Université de Pau et des Pays de l'Adour

La sauvegarde d'un patrimoine peut se définir comme la protection et la conservation d'un bien matériel ou immatériel. La sauvegarde des langues, patrimoine culturel immatériel s'exerce par « les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l'identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l'éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des
différents aspects de ce patrimoine. »1.
Les musées aujourd'hui, en tant que lieux de « recherche, [de] collecte, [de] conservation, [d]'interprétation et [d]'exposition du patrimoine matériel et immatériel. »2 sont des acteurs inhérents à la sauvegarde du patrimoine culturel. Néanmoins, dans le cadre des langues et dans un souci d'inclusion, ils pratiquent un multilinguisme hétérogène. En effet, il n'est pas rare d'être accompagné tout le long du parcours de visite par des outils multilingues, en format papier ou par leur continuum numérique. Toutefois, les langues utilisées sont majoritairement des langues répandues aux traductions parfois parcellaires et de qualité discutable. L'offre linguistique muséale propose peu de diversité. Les langues régionales ou minoritaires3 y sont minoritaires. Or les musées dont les expositions constituent des dispositifs de narration, ne caractérisent-ils pas des espaces propices à leur valorisation ? Les langues régionales ou minoritaires en tant que « véhicule de la culture »4 mais aussi patrimoine culturel immatériel ne sont t-elles pas légitimes à être exposées et/ou devenir objets d'exposition ? Sauvegarder les langues régionales ou minoritaires résulte d'un processus complexe car « Une langue est un bien immatériel, vivant et périssable, qui a besoin d'être alimenté en permanence pour pouvoir prospérer et se répandre. Elle ne doit pas être placée sous une cloche de verre, mais pouvoir circuler librement et être accessible à tous. »5. Le processus de « la cloche de verre » qualifiant une
sauvegarde statufiée du PCI, fait écho aux dispositifs introduits par les musées pour sa valorisation (cimaises, vitrines, bornes fixes etc). Ils façonnent, malgré eux, un univers figé et aseptisé. Néanmoins, d'autres, par leur potentiel créatif et didactique transcendent cette représentation faite de "bric et de mortier". Afin de comprendre les enjeux et les freins à la valorisation des langues régionales ou minoritaires dans ces institutions culturelles, nous aborderons "les politiques linguistiques" menées en leur sein. Elles se traduisent par des choix d'offres linguistiques variées, transposées à des médiations, visites bilingues et outils numériques de vingt-huit musées en France et en Italie6 sur lesquelles porte notre étude, étayée d'entretiens avec des professionnels.

 


6 L'étude se concentre majoritairement sur le sud de la France et le nord de l'Italie.
5 Bétemps, Alexis. Saverio, Favre., Le Patois. Un héritage culturel à partager, Édition inconnue: Vallée
d'Aoste, 2017. p. 55.
4 Rigat, Françoise., « Pourquoi et jusqu'où traduire les textes dans un musée et une exposition ? », La
Lettre de l'OCIM. Musées, Patrimoine et Culture scientifiques et techniques, no 132, 2010, §17,
https://doi.org/10.4000/ocim.389
3 Termes définis par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de
l'Europe, en 1992.
2 Définition de l'ICOM adoptée le 24 août 2022 à Prague et disponible sur le site officiel de
l'organisation : https://icom.museum/fr/ressources/normes-et-lignes-directrices/definition-du-musee/
1 UNESCO., Textes fondamentaux de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel, UNESCO/CLD, éd. 2022, p. 5.


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