Cette communication propose d'explorer les parcours sociolinguistiques des locuteurs confrontés au sentiment d'insécurité linguistique, résultant des expériences de glottophobie, un concept développé par Philippe Blanchet, englobant des attitudes négatives envers certaines langues ou dialectes, ainsi que des politiques linguistiques discriminatoires, pouvant entraîner la stigmatisation sociale, la discrimination linguistique et la marginalisation des locuteurs de ces langues (Blanchet, 2016).
Notre étude, menée de 2018 à 2020 dans plusieurs communes aux confins des Alpes-Maritimes et des Alpes Ligures, deux régions montagneuses proches géographiquement mais divisées par des frontières nationales, offre une analyse comparative des dynamiques linguistiques et des enjeux de minorisation linguistique. Nous avons recueilli les témoignages de locuteurs des différentes langues locales, afin de comprendre leurs perceptions, expériences et défis liés à leur langue maternelle, sous l'angle des expériences de glottophobie vécues. Ces témoignages ont mis en lumière une marginalisation linguistique et culturelle exacerbée par le manque de reconnaissance officielle des langues et de leurs droits linguistiques, rejoignant ainsi les constats observés dans d'autres régions francophones et internationales (Calvet,1999, UNESCO, 2022).
Si la plupart des locuteurs ont exprimé un sentiment d'insécurité linguistique, résultant souvent de la stigmatisation sociale et des pressions pour s'aligner sur des normes linguistiques dominantes, les micro-agressions linguistiques sont plus fréquemment rapportées du côté français de la frontière, favorisant ainsi un environnement hostile à l'expression linguistique authentique (Blanchet & Clerc Conan, 2018, Chaupré-Berki, 2021).
Ces constats nous ont incités à analyser les facteurs socio-culturels, historiques et politiques qui alimentent la glottophobie et la marginalisation des langues locales. En France, la réactivation du Conseil national des langues et cultures régionales en 2022 témoigne d'une volonté politique de promouvoir la diversité linguistique, tandis que l'adoption de la Loi Molac en 2021 a suscité des tensions et des préoccupations quant aux droits humains des minorités linguistiques (Skutnabb-Kangas & Philipson, 2022). Cette dualité interpelle et rappelle l'urgence de sensibiliser à la diversité linguistique pour favoriser une coexistence harmonieuse des langues et des cultures (Ruiz, 2010).
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