Insécurité et politique linguistiques en Côte d'Ivoire
Kollo Juliette Koua  1, *@  
1 : DYLIS
UMR
* : Auteur correspondant

La Côte d'Ivoire, à l'instar de plusieurs pays du monde, est pluriculturelle et plurilingue. Le français ivoirien est le fruit de la colonisation, par le biais de l'école. De ce fait est née une sorte de collision entre la culture, les modes de vie, la civilisation, la langue du colonisateur et les valeurs culturelles et identitaires des colonisés. Dès lors s'en suivent le complexe d'infériorité et le désir d'assimilation : c'est le phénomène de l'auto-odi ou « la haine de soi » (Carmen A. Garabato et Romain Colonna, 2016). L'Ivoirien est désormais un être désireux de prouver qu'il sait vivre conformément à la civilisation française et parler correctement la langue française. Et cela se fait au détriment des langues originelles que l'on peut appréhender dans une certaine mesure comme le garant de l'identité culturelle . Au départ, cette pratique s'est imposée par la colonisation. Mais cela semble être devenu, au fil des années, un choix que les Ivoiriens ont opéré, plus encore un mode de vie. Dans la sous-région ouest africaine, des pays comme le Sénégal, le Mali, le Burkina-Faso, le Togo et bien d'autres, eux aussi anciennes colonies françaises, ont donné le statut de langues véhiculaires et nationales à leurs langues originelles. Mais en Côte d'Ivoire le français reste la seule langue officielle du pays. Toute la soixantaine de langues ivoiriennes a le statut de langues vernaculaires. Comme peuvent l'affirmer Boutin et N'guessan, « les langues locales sont considérées comme une faiblesse de l'esprit et jugées inaptes à l'enseignement et à l'expression de l'économie moderne » (2013). Le Français devient donc une langue incontournable dans toutes les sphères sociales. Il facilite les communications entre les ivoiriens. Des ménages à l'administration, tout le monde parle français. Cet état des choses provoque une perte de l'identité linguistique des Ivoiriens et par ricochet, fragilise leur identité culturelle. Certainement, « Les identités naissent des interactions sociales plus qu'elles ne les précèdent. L'identité n'est pas une propriété figée, c'est le fruit d'un processus » (Castra, 2012). On observe par conséquent, que le faible usage des langues locales ivoiriennes est une menace pour la sauvegarde de l'identité culturel de ce peuple. Ainsi, les ivoiriens ont aujourd'hui, une identité linguistique hybride qui est à l'origine d'une identité culturelle hybride. L'on est à même d'expliquer cette réalité par le fait que certains ivoiriens sont devenus des « semi-locuteurs ». En effet, leur compétence en langue d'origine devient graduellement défaillant. Les plus jeunes ne savent pas du tout parler leur langue à cause des stigmatisations et des représentations sociales négatives. Dans ce tumulte naît le nouchi, un argot créé sur la base du français populaire de Côte d'Ivoire. Ce créole ivoirien serait-il devenu un moyen d'unification linguistique et d'affirmation de soi ? Dans ce travail, nous souhaitons mettre en relation les notions de langue, d'identité, et d'affirmation de soi dans le but particulièrement de montrer le lien entre l'insécurité linguistique qui impacte toutes les langues ivoiriennes, la politique linguistique et les pratiques linguistiques.


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